Le pape débute son odyssée asiatique sur un ton de liberté religieuse en l’Indonésie
Le pape François se rend en Indonésie pour entamer le plus long voyage de son pontificat, dans l’espoir d’encourager la communauté catholique et de célébrer la tradition d’harmonie interreligieuse dans un pays qui compte la plus grande population musulmane au monde.
Le pape prévoit de prendre un jour de repos à son arrivée mardi à Jakarta, compte tenu du vol de nuit depuis Rome et des rigueurs d’un voyage de 11 jours à zigzaguer au travers des fuseaux horaires, qui le mènera également en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Timor oriental et à Singapour. Le Vatican a tout de même indiqué que le pape de 87 ans rencontrerait mardi un groupe de réfugiés, de migrants et de malades à la résidence du Saint-Siège à Jakarta.
Le point culminant de la première étape du voyage du souverain pontife sera sa participation jeudi à une rencontre interreligieuse dans l’emblématique mosquée Istiqlal de Jakarta avec des représentants des six religions officiellement reconnues en Indonésie: l’islam, le bouddhisme, le confucianisme, l’hindouisme, le catholicisme et le protestantisme.
La mosquée, qui est la plus grande d’Asie du Sud-Est, se trouve en face de la principale cathédrale catholique de la capitale, Notre-Dame de l’Assomption. Les deux sont si proches l’une de l’autre que l’appel musulman à la prière peut être entendu pendant la messe.
Leur proximité n’est pas une coïncidence, mais une volonté forte en tant que symbole de la liberté religieuse et de la tolérance inscrites dans la constitution indonésienne. Les bâtiments sont également reliés par un «tunnel de l’amitié» souterrain que le pape François visitera avec le grand imam Nasaruddin Umar, avant de signer une déclaration commune.
Alors que le chef de l’Église Catholique voudra mettre en avant la tradition de tolérance religieuse de l’Indonésie dans sa visite, l’image du pays en tant que nation musulmane modérée a été minée par des poussées d’intolérance. En 2021, un couple de militants islamistes s’est fait exploser devant une cathédrale catholique bondée sur l’île indonésienne de Sulawesi pendant une messe du dimanche des Rameaux, blessant au moins 20 personnes.
«Nous n’avons aucun problème avec cette visite, c’est un invité et nous l’accueillerons», a indiqué Eldy, un fonctionnaire retraité de 64 ans qui utilise un seul nom et qui se promenait dimanche lors d’une journée sans voiture à Jakarta. «il veut visiter notre mosquée Istiqlal, il peut le faire».
Bien que les catholiques ne représentent que 3% de la population indonésienne, le nombre d’Indonésiens – 275 millions – fait de l’archipel la troisième plus grande communauté chrétienne d’Asie, après les Philippines et la Chine.
En conséquence, des milliers de personnes devraient se rendre aux événements du pape François cette semaine, notamment une messe jeudi après-midi au stade principal de Jakarta qui devrait attirer quelque 60 000 personnes. Les autorités de la ville ont exhorté les habitants à travailler à domicile ce jour-là en raison des barrages routiers et de la foule.
«C’est une joie pour notre pays, en particulier pour nous les catholiques», s’est réjouie Elisabeth Damanik, une femme au foyer de 50 ans à l’extérieur d’une messe bondée dimanche, à Notre-Dame de l’Assomption. «J’espère que la visite du pape pourra renforcer la tolérance religieuse dans notre cher pays, l’Indonésie».
Les priorités pontificales
La protection de l’environnement, la résolution des conflits et le développement économique éthique sont les principaux thèmes du voyage, et le souverain pontife pourrait les aborder lors de son discours principal aux autorités indonésiennes mercredi.
Le pape François a fait de la protection de l’environnement une caractéristique de son pontificat et a souvent utilisé ses visites à l’étranger pour faire valoir son programme sur la nécessité de prendre soin de la création de Dieu, d’empêcher l’exploitation de ses ressources naturelles et de protéger les populations pauvres qui subissent de plein fouet les extrêmes climatiques et la pollution.
A Jakarta, il trouvera une métropole de 11,3 millions d’habitants étouffant sous des nuages gris de pollution causée par les centrales électriques au charbon, les gaz d’échappement des véhicules, l’incinération des déchets et les usines. La pollution atmosphérique de Jakarta est régulièrement huit à neuf fois supérieure aux limites fixées par l’Organisation mondiale de la santé.
«L’Indonésie a la pire pollution atmosphérique d’Asie du Sud-Est», a affirmé Piotr Jakubowski, expert en pollution atmosphérique et cofondateur de la société indonésienne de surveillance de la qualité de l’air Nafas. «La visite du pape est formidable, car elle permet d’avoir la voix d’un autre dirigeant mondial très respecté».
Les habitants espèrent également que le Saint-Père s’exprimera sur le sujet.
«La pollution à Jakarta est à un niveau alarmant. C’est pourquoi la présence du pape peut être bénéfique pour la discussion des questions environnementales», a souligné Erik Sebastian Naibaho, un fonctionnaire de 26 ans.
François est le troisième pape à se rendre en Indonésie après le pape Paul VI en 1970 et saint Jean-Paul II en 1989. Leur attention souligne l’importance de l’Indonésie pour le Vatican, tant en termes de dialogue entre chrétiens et musulmans que de vocations catholiques, puisqu’elle abrite le plus grand séminaire du monde et produit des centaines de prêtres et autres travailleurs religieux par an.
«L’Indonésie essaie de grandir dans la foi», a déclaré le cardinal Ignatius Suharyo Hardjoatmodjo, l’archevêque de Jakarta que François a nommé cardinal en 2019.
Lors d’un briefing la semaine dernière, il a déclaré que le pape voulait exprimer son «appréciation de la tradition interreligieuse de l’Indonésie et encourager ce type de fraternité à continuer d’être maintenu et développé».