Le manque d’électricité cause des maux de tête
AFFAIRES. L’avenir de l’entreprise Éco2 Magnesia, à Tring-Jonction, pourrait être étroitement lié à un prochain appel d’offres d’Hydro-Québec pour la production d’électricité, via de l’énergie solaire. Le projet de construction d’une nouvelle usine à cet endroit a cessé d’évoluer l’an dernier après qu’Hydro-Québec eut prévenu l’entreprise qu’elle n’avait pas suffisamment d’électricité à lui octroyer pour son démarrage.
Administrateur d’ECO2 Magnesia, Paul Boudreault avoue, sans utiliser ces mots, que cette situation pourrait menacer l’existence même de son projet.
« Le projet n’est pas mort, pas très vivace, mais sur la glace on pourrait dire. Nous sommes en attente d’Hydro-Québec pour savoir quand nous pourrons avoir accès à de l’énergie pour pouvoir avancer notre projet », indique-t-il.
« Cela ralentit tout le reste de nos activités, même celles de notre usine de démonstration (de Québec). Nous avons retardé nos livraisons avec une vraie usine sans être en mesure de donner une date à nos éventuels clients. C’est évidemment moins sexy à leurs yeux. C’est devenu international que le » Dreamland » de l’énergie n’est plus ce qu’il était. La situation fait que plusieurs entreprises se demandent comment elles auront accès à l’énergie requise. «
Éco2 Magnesia avait annoncé, en 2021, son projet de construire une usine dédiée à la production d’oxyde de magnésium à partir de résidus miniers, un produit qui serait surtout utilisé dans le pharmaceutique, l’alimentaire ou l’industriel lourd. La venue de cette entreprise dans la région, jumelée à celle de KSM, aussi sur le site de l’ancienne mine Carey à Tring-Jonction et Sacré-Cœur-de-Jésus, est largement tributaire du retour du train dans la région, avoue le maire de Tring-Jonction, Mario Groleau.
« Éco2 a arrêté son projet au Québec après avoir investi dans des études. On leur a ensuite dit qu’il n’y avait pas suffisamment d’électricité. D’autres usines manquent aussi d’électricité. Il faut que ça bouge. », souligne-t-il.
Des engagements SVP
M. Boudreau estime de 12 à 17 mégawatts les besoins en électricité dont l’entreprise aurait besoin pour sécuriser ses opérations, une quantité modeste à ses yeux. Une certaine portion serait suffisante pour démarrer le projet, moyennant une garantie pour le futur. C’est là où le projet de parc solaire, piloté par la MRC de Beauce-Centre, pourrait entrer en jeu, convient-il.
« Nous avons été mis au courant et trouvons l’idée intéressante. On remarque que les gens de la région font beaucoup d’efforts pour trouver une solution. Pour prendre des engagements, nous avons toutefois besoin d’ententes concrètes. Débuter avec un 4 ou 5 mégawatts pourrait se faire, avec une garantie que le reste serait déployé à une date connue. »
Mario Groleau comprend que l’entreprise ait besoin d’une certaine assurance avant d’investir dans la construction de son usine. « Ce que je souhaite, c’est un 4 mégawatts pour permettre à l’entreprise de démarrer ses activités. Éco 2 en a pour deux ans à installer son usine. Pendant ce temps, on pourrait ériger le parc solaire, mais avant d’investir 300 M$, on doit être sûrs d’avoir de l’électricité dans deux ans. Le gouvernement doit s’engager. »
De passage récemment en Beauce, le ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, confirme avoir été sensibilisé sur le projet. « Nous avons un déséquilibre présentement entre les besoins industriels et l’offre. Le PDG d’Hydro-Québec, M. Sabia (Michael), a soumis un programme assez ambitieux pour 2035. Au ministère de l’Énergie, nous avons pour 14 000 mégawatts de demandes, mais pas beaucoup d’électricité de disponible, alors on travaille séquentiellement. On évalue les projets sur leur mérite, tant au niveau contribution régionale que nationale, l’émission des GES. On va travailler pour le séquencer. »
Du côté d’Hydro-Québec, le porte-parole de la Société d’État, Cendrix Bouchard, confirme ces intentions. « Le gouvernement a annoncé le 26 mars dernier qu’il déterminera, par règlement, un bloc de 300 mégawatts d’énergie solaire photovoltaïque, lequel sera réparti en deux appels d’offres. À cet effet, le projet de règlement, publié dans la Gazette officielle, précise qu’Hydro-Québec doit procéder au premier appel d’offres au plus tard le 31 décembre 2024. Les modalités de l’appel d’offres seront ainsi déposées à la Régie de l’énergie et partagées à l’industrie d’ici la fin de l’année ».
Ce ne sont toutefois pas tous les projets qui pourront être retenus. « Un processus de sélection des projets industriels a été mis en place au début de l’année 2023 (projet de loi no 2) par le gouvernement du Québec, dans le contexte où nous avons reçu une quantité exceptionnelle de projets. Tout projet industriel de plus de 5 MW qui souhaite être alimenté par Hydro-Québec doit donc soumettre une demande en vertu de ce processus ».
Parc solaire et chemin de fer
Le député de Beauce-Nord, Luc Provençal, dit suivre le dossier de près et multiplie ses interventions depuis quelques mois. Il espère voir une solution se pointer à moyen terme. Il voit lui aussi la mise sur pied d’un parc solaire à Tring-Jonction comme solution potentielle à ce besoin.
« Hydro-Québec pourrait éventuellement accorder une certaine quantité d’électricité pour permettre à l’entreprise de démarrer. L’arrivée progressive du parc solaire pourrait ensuite boucler le reste », a-t-il résumé.
Mario Groleau rappelle aussi que le retour du train dans la région est étroitement lié à l’arrivée d’Éco2 et de l’entreprise KSM, sur le site de l’ancienne mine Carey. « On est en train d’investir des millions pour le train. Ça n’aurait pas d’allure que le projet Éco2 ne parte pas, le chemin de fer est beaucoup pour ça », précise-t-il.
Rappelons qu’en mars 2021, Sigma Devtech et Éco2 Magnesia avaient déjà obtenu une aide financière de deux millions de dollars du ministère de l’Économie et de l’Innovation pour la phase finale de démonstration d’un projet de revalorisation minière. Québec avait aussi accordé une aide financière de 500 000 $ à l’entreprise pour l’augmentation de la capacité de production d’oxyde de magnésium écologique dans l’usine de démonstration d’Éco2 Magnesia à Québec. L’entreprise avait ensuite reçu une subvention de 490 000 $, en septembre 2023, pour développer le procédé d’extraction de MCS (minéraux critiques et stratégiques) contenu dans les résidus miniers.
La mise en exploitation d’une usine commerciale était prévue pour 2024 sur le site de l’ancienne mine Carey et devait créer 60 emplois de haute technologie. Le Pôle économique vert de Chaudière-Appalaches (PEVCA) a aussi été annoncé il y a quelques semaines dans cette foulée, le but étant de sécuriser l’avenir de l’industrie de la revalorisation minière.