La demande au ralenti chez les producteurs de bois
FORÊTS. Une tempête de vents violents observés au Bas-St-Laurent, en décembre 2022, est au cœur des difficultés vécues par les producteurs forestiers de la région qui se retrouvent sans clients. Ce bois est récupéré depuis quelques mois et acheminé dans des usines de sciage partout au Québec, dont en Chaudière-Appalaches.
Un financement de 8,5 M$ avait été alloué dans le budget 2024-2025 du gouvernement du Québec pour la récupération et la récolte en forêt publique, en plus de la logistique autour du transport et de la transformation des bois de chablis touchés. (On appelle chablis un ensemble d’arbres déracinés par un événement naturel)
Annoncé en mars dernier par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts, le chantier devait permettre aux forestiers de récupérer, sur une période de deux ans, 3 000 hectares de forêt dévastée, soit l’équivalent de 6 000 terrains de football. Sachant que les volumes de bois affectés devaient être récupérés dans des délais raisonnables et que la récolte d’arbres renversés posait d’importants défis, l’initiative a impliqué plusieurs intervenants de partout au Québec.
Occasionnel mais lourd de sens
Directeur général de l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce, Éric Cliche indique que des incidents météorologiques touchant la forêt arrivent occasionnellement. « Que ce soient des épidémies de tordeuses, des chablis dans le bois ou autre, ça se produit. Nous en avions eu il y a quelques années à Saint-Joseph, Vallée-Jonction et Sainte-Marie, où un courant de vent était passé, tout comme dans une érablière à Sainte-Rose. Ça fait partie des aléas de la nature. Celui dont on parle a touché une bonne partie du Bas-St-Laurent et une partie de la Gaspésie », résume-t-il.
L’événement a toutefois des conséquences néfastes pour les producteurs forestiers de la région qui se retrouvent sans acheteurs à court et moyen terme. M. Cliche juge que tout cela arrive à un bien mauvais moment et parle d’une tempête parfaite. Il fait valoir qu’il est difficile, pour les producteurs, d’avoir de la prévisibilité, car les acheteurs potentiels ont peu ou pas de besoins puisque leurs inventaires affichent à peu près complet.
« Présentement (début novembre), l’usine de Carrier et Bégin à Saint-Honoré ne reçoit pas de bois. Clermont Hamel de Saint-Éphrem est fermé aussi parce que la cour est pleine. Bois Daaquam, à Saint-Just, obtient les prix du Bas-St-Laurent, soit une perte moyenne de 1 200 à 1 300 $ pour le producteur. Produits forestiers D.G. à Sainte-Aurélie et Saint-Côme va acheter certains produits, mais à des tarifs semblables. Quant à Fontaine de Lac-Mégantic, c’est à peu près la même chose, alors le producteur se demande souvent quoi faire. »
D’autres éléments perturbateurs
Certaines industries ont des garanties d’approvisionnement qui leur sont consenties. Vient ensuite la vente de lots aux enchères. Les quantités de bois abîmées lors du chablis de 2022 représentent 1,8 million de mètres cubes qui ont ainsi été mis aux enchères, en plus du gré à gré. Cette quantité s’est ajoutée à ce qui se fait annuellement au Québec. D’autres facteurs viennent influencer la demande, ajoute M. Cliche.
« En plus du chablis, il y a l’élection américaine. Peu importe le parti qui gagne, il y a toujours une vague de protectionnisme qui suit l’élection, c’est déjà un élément perturbateur. Il y a également une épidémie dans des forêts en Europe de l’Est et beaucoup de ce bois est transporté aux États-Unis pour être transformé. Les droits compensatoires pour expédier au sud de la frontière avaient déjà été haussés au cours des derniers mois. C’est beaucoup de choses en même temps. »
Il voit tout de même un élément positif ressortir de l’industrie du sciage au Québec qui a profité de la période pandémique pour se moderniser. Il espère que la forêt québécoise pourra éventuellement combler des besoins ailleurs qu’au Québec.
« À peu près tout le monde a investi grâce aux profits qu’ils ont faits lors de la pandémie. Il y a une capacité de sciage importante. Ils pourraient donc réussir à baisser les inventaires rapidement, s’ils obtiennent une demande importante. Ça pourrait être du sud des États-Unis, à la suite des tempêtes importantes survenues au cours des dernières semaines en Floride, notamment. »
Il ne s’attend toutefois pas à ce que la situation revienne à la normale avant le milieu de la prochaine année. « C’est dommage pour les producteurs, mais aussi pour tous les acteurs autour, dont les transporteurs, les fournisseurs et autres. Espérons que ce sera plus rapidement. »