Le débat prévu mardi entre Trump et Harris pourrait marquer l’apogée de la campagne

Kamala Harris et Donald Trump croiseront le fer pour la première et potentiellement la dernière fois de la campagne présidentielle aux États-Unis, mardi soir, alors qu’ils tenteront de profiter d’un débat fort attendu pour présenter leurs visions radicalement opposées de l’avenir du pays.

L’événement qui se tiendra à 21 heures, heure de l’Est, à Philadelphie offrira aux Américains leur aperçu le plus détaillé d’une campagne qui a drastiquement changé depuis le dernier débat, en juin. Le président Joe Biden, qui a livré une performance désastreuse lors du face-à-face, s’est depuis retiré de la course, M. Trump a survécu à une tentative d’assassinat et les deux candidats ont choisi leurs colistiers, entre autres.

Mme Harris a l’intention de démontrer qu’elle peut faire valoir les arguments démocrates mieux que M. Biden ne l’a fait contre M. Trump. M. Trump, de son côté, tentera de dépeindre la vice-présidente comme une libérale déconnectée de la réalité, tout en essayant de séduire les électeurs sceptiques quant à son retour à la Maison-Blanche.

M. Trump, âgé de 78 ans, a eu du mal à s’adapter pour affronter Mme Harris, âgée de 59 ans, qui est la première femme, personne noire et personne ayant des racines sud-asiatiques à occuper le poste de vice-présidente. L’ancien président républicain a parfois eu recours à des stéréotypes raciaux et sexistes, frustrant ses alliés qui souhaitent qu’il se concentre plutôt sur ses différences politiques avec Mme Harris.

La vice-présidente, pour sa part, tentera de s’attribuer une part du mérite des réalisations de l’administration Biden, tout en abordant ses moments difficiles et en expliquant ses changements par rapport aux positions plus libérales qu’elle a adoptées dans le passé.

Le débat soumettra Mme Harris, qui n’a accordé qu’une seule entrevue officielle au cours des six dernières semaines, à un rare moment d’interrogatoire soutenu.

«Si elle fait un bon travail, ce sera une belle surprise pour les démocrates et ils s’en réjouiront», affirme Ari Fleischer, qui est stratège en communication républicain et qui a été l’attaché de presse du président George W. Bush.

«Si elle s’effondre, comme l’a fait Joe Biden, la course pourrait s’ouvrir. Il y a donc beaucoup en jeu.»

Selon Tim Hogan, qui a dirigé les préparatifs du débat de la sénatrice Amy Klobuchar lors des primaires présidentielles démocrates de 2020, Mme Harris, une ancienne procureure générale de Californie, profitera de «l’instinct d’une procureure» lors du débat.

«C’est une qualité très précieuse dans ce contexte, d’avoir quelqu’un qui sait comment donner un coup et comment en tirer avantage», mentionne-t-il.

Les premiers bulletins de vote par anticipation seront envoyés quelques heures seulement après le débat, organisé par ABC News, alors qu’ils seront envoyés à partir de mercredi en Alabama.

Trump attaquera Harris sur son passé

Donald Trump prévoit critiquer Kamala Harris sur ses positions qu’il juge trop libérales.

M. Trump et sa campagne ont mis en lumière les positions d’extrême gauche que Mme Harris a adoptées lorsqu’elle a tenté de se présenter à l’élection présidentielle de 2020, en vain. Le candidat républicain s’est d’ailleurs préparé au débat de mardi en compagnie de l’ancienne élue Tulsi Gabbard, qui a affronté Mme Harris lors des primaires démocrates de 2020.

Récemment, Mme Harris a adopté des positions plus modérées sur la fracturation hydraulique, l’élargissement de l’assurance-maladie et les programmes de rachat obligatoire d’armes à feu. Elle a cherché à présenter ces changements comme du pragmatisme, insistant sur le fait que ses «valeurs restent les mêmes». Lundi, sa campagne a publié une page sur son site web répertoriant ses positions sur des enjeux clés.

L’ancien président a fait valoir qu’une présidence Harris constituerait une menace pour la sécurité du pays. Il a rappelé que M. Biden l’avait choisie pour s’attaquer à l’afflux de migrants, alors que le républicain a placé de sombres avertissements sur l’immigration et les personnes présentes illégalement dans le pays au cœur de sa campagne.

Il a cherché à présenter une présidence Harris comme la continuation de l’administration toujours impopulaire de Joe Biden, en particulier son bilan économique, alors que les électeurs ressentent toujours les effets de l’inflation, même si cette dernière s’est calmée ces derniers mois.

L’équipe de M. Trump insiste sur le fait que son ton ne sera pas différent face à une adversaire féminine.

«Le président Trump sera lui-même», a assuré lundi son conseiller principal, Jason Miller, lors d’une conférence de presse téléphonique.

Mme Gabbard, qui était également présente sur l’appel, a ajouté que M. Trump «respecte les femmes et ne ressent pas le besoin d’être condescendant ou de parler aux femmes d’une autre manière qu’il ne parlerait à un homme».

L’ancien président se lance fréquemment dans des remarques décousues qui s’éloignent de ses opinions politiques. Il fait régulièrement de fausses déclarations sur les dernières élections, attaque une longue liste d’opposants, fait l’éloge des puissants hommes politiques étrangers et fait des commentaires sur la race, comme sa fausse déclaration selon laquelle Mme Harris «est récemment devenue noire».

Harris veut faire valoir que Trump est instable et inapte

La vice-présidente, qui a été la plus fervente partisane de l’accès à l’avortement de l’administration Biden depuis que la Cour suprême a annulé l’arrêt «Roe contre Wade», en 2022, devrait se concentrer sur les incohérences de M. Trump concernant les droits sexuels et reproductifs des femmes.

Elle compte notamment attaquer son rival sur son intention de voter en faveur de la protection de l’interdiction de l’avortement après six semaines de grossesse lors d’un référendum qui doit avoir lieu en Floride cet automne.

Mme Harris voudra aussi se présenter comme une candidate plus stable pour diriger la nation et préserver ses alliances, alors que la guerre qui fait rage en Ukraine se poursuit plus de deux ans après l’invasion de la Russie et que la guerre d’Israël avec le Hamas à Gaza se prolonge.

Elle est susceptible de présenter M. Trump comme une menace pour la démocratie, surtout depuis ses tentatives visant à faire annuler sa défaite à l’élection présidentielle de 2020, incitant ses partisans en colère à attaquer le Capitole américain le 6 janvier 2021.

Pas plus tard que la fin de semaine dernière, M. Trump s’est tourné vers les réseaux sociaux pour prévenir que s’il gagne, il emprisonnera «ceux qui ont un comportement sans scrupules», y compris les avocats, les agents politiques, les donateurs, les électeurs et les responsables électoraux.

Mme Harris a passé la majeure partie des cinq derniers jours à se préparer au débat, en Pennsylvanie, où elle a participé à des séances de simulation de plusieurs heures. Elle a expliqué à l’animateur de radio Rickey Smiley qu’elle se concentrait sur sa manière de réagir si M. Trump ment.

«Il n’y a pas de limite à ce qu’il peut faire», a-t-elle rappelé.