France: le RN est en tête du premier tour des législatives avec 33% des voix

Les électeurs français ont propulsé le Rassemblement national (RN), parti d’extrême droite, en tête du premier tour des élections législatives dimanche, selon les résultats définitifs publiés par le ministère de l’Intérieur français.

Le président français, Emmanuel Macron, qui a déclenché ces élections surprises il y a à peine trois semaines, avait exhorté les électeurs à se rassembler contre l’extrême droite.

Le RN récolte 29,25 % des voix, selon les données officielles. Combiné aux 3,9 % qu’a obtenu l’union de l’extrême-droite menée par Éric Ciotti, allié du RN, cela porte le score du parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella à 33,1%. Le Rassemblement national confirme ainsi son succès aux élections européennes, qui ont poussé M. Macron à dissoudre le Parlement et à convoquer un vote surprise.

Le Nouveau Front populaire (NFP), une coalition des partis de gauche, arrive deuxième, avec entre 27,99 % des votes.

Finalement, la majorité présidentielle Ensemble d’Emmanuel Macron récolte 20,04 % des votes, toujours selon les données ministérielles.

Les Républicains, qui ne se sont pas ralliés au RN, ont obtenu 6,7 % des voix.

La participation s’élève à 64,99 %, ce qui constitue un record depuis les 64,4 % de participation en 2002.

En Amérique du Nord, les Français de l’étranger qui se sont rendus aux urnes ont voté à 38,84% pour Renaissance-Ensemble, tandis que la candidate du RN a été éliminée avec 10,70 % des votes exprimés.

La meneuse de l’extrême droite française, Marine Le Pen, a appelé les électeurs à donner au Rassemblement national une «majorité absolue» au Parlement dans un discours livré peu après l’annonce des estimations des premiers résultats. Elle a déclaré qu’une majorité permettrait au RN de former un nouveau gouvernement, avec le président du parti, Jordan Bardella, comme premier ministre, afin de travailler à la «relance» de la France.

«Les Français ont ainsi, dans un vote sans ambiguïté, témoigné de leur volonté de tourner la page après sept ans de pouvoir méprisant et corrosif», a dit Mme Le Pen dans son discours.

Elle a encouragé ses électeurs à voter au second tour, dont le vote sera le 7 juillet, afin d’éviter qu’une «extrême gauche à tendance violente, antisémite et antirépublicaine» n’arrive au pouvoir, avec Jean-Luc Mélenchon comme premier ministre.

M. Mélenchon, une des têtes d’affiche du Nouveau Front populaire, a dit dans un discours que la coalition était la «seule alternative», invitant les Français à voter pour le groupe au second tour.

«Il ne s’agit pas seulement de voter contre [le RN], ni seulement de faire barrage. Il s’agit de voter pour un autre futur, respectueux de toute personne humaine et du vivant dans son ensemble», a affirmé M. Mélenchon.

Au contraire du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire, la majorité présidentielle Ensemble a connu une soirée décevante. En conférence de presse, le premier ministre sortant, Gabriel Attal, a invité les Français à bloquer le RN au second tour.

«Jamais dans notre démocratie l’Assemblée nationale n’a risqué, comme ce soir, d’être dominée par l’extrême droite», a dit M. Attal.

«Pas une seule voix ne doit aller au Rassemblement national !», a-t-il scandé.

Un deuxième tour décisif

Le deuxième scrutin sera décisif, mais d’énormes questions sont ouvertes sur la manière dont Emmanuel Macron partagera le pouvoir avec un premier ministre hostile à la plupart de sa politique.

Le résultat des élections à deux tours pourrait avoir un impact sur les marchés financiers européens, le soutien occidental à l’Ukraine et la manière dont sont gérés l’arsenal nucléaire français et la force militaire mondiale.

De nombreux électeurs français sont frustrés par l’inflation et les préoccupations économiques, ainsi que par le leadership du président Emmanuel Macron, qu’ils considèrent comme arrogant et déconnecté de leur vie. Le RN de Marine Le Pen a exploité ce mécontentement, notamment via des plateformes en ligne comme TikTok, et a pris la tête des sondages d’opinion préélectoraux.

Le NFP constitue également un défi pour M. Macron, favorable aux entreprises, et son alliance centriste Ensemble pour la République. Le NFP inclut des socialistes et des communistes français ainsi que le parti d’extrême gauche France insoumise, et s’engage à annuler une loi de réforme des retraites profondément impopulaire qui a relevé l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, entre autres réformes économiques.

Il y a 49,5 millions d’électeurs inscrits qui choisiront 577 membres de l’Assemblée nationale, l’influente chambre basse du Parlement français, lors du scrutin à deux tours.

Le taux de participation à 17 h au premier tour s’est élevé à 59,39 % selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, soit 20 points de plus qu’à 17 h, lors des élections législatives de 2022. Le vote a lieu pendant la traditionnelle première semaine des vacances d’été en France, et les demandes de vote par correspondance ont été au moins cinq fois plus élevées que lors des élections de 2022.

M. Macron a voté au Touquet, une ville balnéaire du nord de la France, avec son épouse Brigitte. Mme Le Pen a voté dans le bastion de son parti, dans le nord de la France.

M. Macron a convoqué des élections anticipées après que son parti ait été battu lors des élections au Parlement européen début juin par le RN, qui a des liens historiques avec le racisme et l’antisémitisme, et qui est hostile à la communauté musulmane de France. Le RN a également des liens historiques avec la Russie.

L’appel de M. Macron était un pari audacieux selon lequel les électeurs français qui s’étaient contentés des élections européennes seraient incités à voter pour des forces modérées lors des élections nationales afin d’empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir.

Même si M. Macron a déclaré qu’il ne démissionnerait pas avant l’expiration de son mandat présidentiel en 2027, un scénario de «cohabitation» l’affaiblirait dans son pays et sur la scène mondiale.

Les marchés ébranlés par des promesses de dépenses

Les résultats du premier tour donnent une idée du sentiment général des électeurs, mais pas nécessairement de la composition globale de la prochaine Assemblée nationale. Les prévisions sont difficiles en raison de la complexité du système électoral et du fait que les partis travailleront entre les deux tours pour conclure des alliances dans certaines circonscriptions ou se retirer dans d’autres.

Dans le passé, de telles manœuvres tactiques ont contribué à éloigner les candidats d’extrême droite du pouvoir. Mais le soutien au parti de Mme Le Pen s’est largement répandu.

M. Bardella, qui n’a aucune expérience de gouvernement, affirme qu’il utiliserait les pouvoirs de premier ministre pour empêcher M. Macron de continuer à fournir des armes à longue portée à l’Ukraine pour la guerre contre la Russie.

Le RN remet également en question le droit à la citoyenneté des personnes nées en France et souhaite restreindre les droits des citoyens français ayant la double nationalité. Les critiques estiment que cela porte atteinte aux droits de la personne et constitue une menace pour les idéaux démocratiques de la France.

Pendant ce temps, les promesses de dépenses publiques énormes du RN et en particulier de la coalition de gauche ont ébranlé les marchés et suscité des inquiétudes concernant le lourd endettement de la France, déjà critiquées par les organismes de surveillance de l’Union européenne.

En Nouvelle-Calédonie, territoire français agité du Pacifique, les bureaux de vote ont fermé plus tôt en raison d’un couvre-feu que les autorités de l’archipel ont prolongé jusqu’au 8 juillet. Les violences y ont éclaté le 13 mai, faisant neuf morts après deux semaines de troubles, en raison des tentatives du gouvernement Macron d’amender la Constitution française et de modifier les listes électorales en Nouvelle-Calédonie, ce qui, craignaient les autochtones du peuple kanak, les marginaliserait davantage. Ils cherchent depuis longtemps à s’affranchir de la France.

Les électeurs des autres territoires français d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de la Polynésie française et ceux votant dans les bureaux ouverts par les ambassades et postes consulaires à travers les Amériques ont voté samedi.