Des apiculteurs au boulot dans un contexte très difficile
AGRICULTURE. Varroa, changements climatiques, pesticides, manque de main-d’œuvre, hausses de prix des intrants : les apiculteurs font face à plusieurs problématiques pour mener à bien leurs différentes productions. L’effondrement des colonies d’abeilles crée également des déséquilibres sur le plan naturel.
Selon l’Institut de la statistique du Québec, le nombre de colonies a diminué de 23 % entre 2021 et 2022. La production de miel québécois s’en est ressenti, passant à 1483 tonnes métriques, en baisse de 34,4 %. La situation n’était pas plus rose en 2023 selon Raphaël Vacher, président d’Apiculteurs et apicultrices du Québec (AADQ).
« Le varroa a causé beaucoup de dommages. Une saison parfaite, ça prend aussi de la chaleur et un peu d’eau. Le nombre de ruches était remonté vers les normales en 2023, mais les fluctuations de la météo ont nui à la production », dit M. Vachon, faisant référence à l’été humide de l’an dernier.
Le varroa, un type d’acarien, se fixe sur les abeilles pour se nourrir de liquides organiques et corps gras. Causant des dommages physiques, il peut transmettre divers agents pathogènes. Une infestation peut détruire rapidement toute une colonie d’abeilles.
« Chaque hiver, je perds en moyenne 10 % de mes colonies. Avec le varroa, j’ai mangé la claque avec 40 %. Même si l’on fait du dépistage et des traitements, c’est cyclique. Avec les grosses pluies, les ouvrières sortent aussi moins des ruches. Quand les reines mangent moins, elles arrêtent de pondre. Tout ça rend difficile la reconstruction des colonies », d’expliquer Sophie Roy, propriétaire de la Miellerie de Sophie à Notre-Dame-des-Pins.
Envie d’abandonner
À Lac-Etchemin, Claude Dufour, propriétaire de la miellerie Douceur des Appalaches, limite les dégâts dans ses ruches autour du mont Orignal. Misant sur les acides formiques et oxaliques pour contrer les maladies, des processus biologiques, son entreprise n’est pas à l’abri des problèmes.
« Chaque apiculteur possède ses méthodes et écoles de pensée. Je ne fais pas de pollinisation commerciale, qui apporte des maladies et du stress aux abeilles. J’ai diminué la mortalité annuelle des ruches à 3 %, mais c’était 0 % avant 2022 », précise la titulaire d’une maîtrise en biologie.
Encore aujourd’hui, Claude Dufour est incapable de s’offrir un salaire avec sa profession apicole. « J’ai eu envie d’abandonner. Le miel fermentait dans mes ruches tellement c’était humide (en 2023). Des colonies plus fortes m’ont donné un miel de printemps, mais ça demeure inquiétant pour l’été à venir », soutient-elle.
Selon Sophie Roy, des apiculteurs vont jusqu’à embaucher des travailleurs étrangers temporaires pour pallier le manque de main-d’œuvre, sans compter l’augmentation du coût des équipements et matières premières. Elle rappelle que sans les abeilles, la floraison et les cultures maraîchères n’existeraient pas.
« Nous travaillons dans l’ombre, mais on est là pour nourrir la population. On doit nous considérer autant que les grands producteurs, car on fait face aux mêmes problèmes », martèle Mme Roy, qui a participé à la manifestation de l’Union des producteurs agricoles (UPA), le 19 avril à Sainte-Marie, pour se faire entendre auprès du gouvernement provincial.
Se concerter
James Allen, président de l’UPA Chaudière-Appalaches, dit comprendre les problèmes des apiculteurs sur son territoire.
« On est sensible aux besoins de tous nos membres. AADQ est une branche de l’UPA. Les abeilles, ça fait vivre plusieurs productions. Récemment, une table de concertation a réuni des producteurs de grain et des apiculteurs pour partager leurs besoins », indique M. Allen, ajoutant que l’UPA continuera notamment à faire pression auprès de la Financière agricole du Québec pour de meilleurs dédommagements chez les petits producteurs.