Tragédie à Laval: le deuil des enfants se fera à long terme
DRAME. Le drame du 8 février à Laval, où six enfants, deux décédés et quatre autres blessés, ont été victimes d’un chauffeur d’autobus de ville qui a foncé délibérément dans une garderie a mis tout le Québec en deuil. Josée, Masson, directrice générale et fondatrice de Deuil-Jeunesse, a accepté de commenter l’événement dans la manière d’approcher et d’accompagner les enfants qui ont été victimes de cette tragédie, mais aussi les autres enfants qui étaient dans la garderie, les familles, les voisins, les amis, et tous les autres enfants de partout au Québec qui ont été ébranlés par cette triste nouvelle qui a fait le tour du monde.
Deuil-Jeunesse est un organisme de bienfaisance fondé il y a une quinzaine d’années. Les intervenants soutiennent et accompagnent des jeunes, des adultes et des familles qui vivent une réalité liée à la maladie grave ou au deuil. En Chaudière-Appalaches, il existe deux points de service, à Saint-Georges et à Lévis.
En raison du jeune âge des enfants – 0 à 4 ans – qui ont été victimes de la tragédie, la directrice générale de Deuil-Jeunesse, Josée Masson mentionne que ce sera un deuil à long terme pour les parents et les familles éplorés. Tout d’abord, les enfants ne comprennent pas la mort de la même façon que les adultes.
« En intervention, lorsque nous rencontrons des tout-petits qui ont vécu la mort d’un ami, comme le drame à Laval, il faut mesurer où en est leur compréhension de la mort. Ont-ils déjà perdu un animal ou un grand-parent décédé qui les ont fait cheminer sur le concept de la mort ? »
Et on n’intervient pas chez un tout-petit comme on intervient auprès d’un adolescent ou d’un adulte. « Souvent, à cet âge, le vocabulaire des enfants se limite à : j’ai peur, j’ai faim, j’ai de la peine, je suis fâché et je suis joyeux. On va apprendre de leur vocabulaire pour leur en donner davantage pour mieux s’exprimer. Durant nos interventions, nous utilisons les jeux, les dessins, des modèles très concrets pour pouvoir entrer dans leur monde et créer un lien de confiance pour saisir l’impact de la mort dans leur petite vie ».
Il se peut que l’enfant ne réagisse pas immédiatement aux événements et que dans trois ou quatre ans, il réalise l’ampleur de ce qu’il a vécu. Une partie relève de la compréhension, du jugement et du développement de leur cerveau. Il est possible que l’enfant ait une réaction à retardement, d’où l’importance de les observer, de les réconforter et de leur donner de l’attention.
En ce qui concerne les parents qui vivent de près ou de loin ce drame, ils doivent ventiler leurs émotions, car ils réalisent tout d’un coup que cela aurait pu arriver à leurs enfants.
« Des scénarios catastrophiques se créent dans leur tête et empêchent les parents de dormir et de manger, même si leur enfant va bien et qu’il n’a pas vécu directement ce drame. C’est important que les parents en parlent à des oreilles qui sont capables de les entendre ».
Pour les parents qui vivent ce drame présentement, ils auront besoin de la collectivité pour les aider à passer à travers cette épreuve. Pour les enfants d’ailleurs et de partout au Québec qui ont entendu parler de la tragédie, Mme Masson invite les parents à ouvrir leurs oreilles aux questionnements de leurs enfants qui peuvent être troublés par la tragique nouvelle.
« Nos jeunes doivent être conscients que des événements comme celui de Laval arrivent. On parle de la guerre et des tremblements de terre avec nos enfants. Il est plus facile de parler des événements qui sont éloignés de nous que ceux qui sont proches. Ces tragédies font partie de notre histoire, de notre réalité, il faut juste ne pas les cacher », conclut Mme Masson.
Les garderies de la Beauce
Le journal a téléphoné à quelques garderies de la région pour prendre le pouls du personnel au lendemain de la tragédie. Inimaginable, inconcevable, incroyable, épouvantable, inhumain sont les mots utilisés par des intervenantes qui ont accepté d’exprimer leurs émotions face à la tragédie.
« Ici, tout le monde est encore sous le choc. On ne peut pas imaginer que ça peut arriver. On parle de la santé mentale chez des personnes, mais ce sont des enfants très jeunes qui ont été victimes, nos petits cœurs, nous sommes sans mot », lance Maryse Vachon, éducatrice à la garderie des Amours de Kalinours, à Saint-Éphrem. En geste de solidarité, comme ailleurs au Québec, le personnel a déposé un drapeau blanc à l’avant de la garderie.
Le député de Beauce-Sud, Samuel Poulin a réagi ce matin sur sa page Facebook. « En arrivant tôt ce matin au parlement, j’ai regardé vers le ciel notre drapeau en berne. Pour deux petits anges. Pour des enfants. Pour des familles. Pour un mal collectif qui nous habite maintenant depuis 24 heures. On va se permettre de vivre et d’aimer pour vous », a-t-il écrit.